La pensée de Gaston Bachelard explore pour la première fois dans la tradition française le double versant de l'esprit, celui de l'abstraction scientifique et celui de l'image poétique. Ce projet qui s'est progressivement développé tout au long de sa carrière, reste cependant profondément ancré dans les traditions philosophiques européennes antérieures. D'un point de vue généalogique, il semble bien s'inscrire d'abord dans l'héritage du positivisme français qui, depuis Auguste Comte surtout, a consacré la place de l'abstraction scientifique, soumise à une évolution historique constante. Mais G. Bachelard a sans nul doute été marqué aussi par l'interprétation propre à l'idéalisme allemand qui a promu l'imagination au rang d'un pouvoir de produire du sens au delà des pouvoirs de l'entendement scientifique. Il importe donc de resituer la double démarche bachelardienne par rapport à ces deux sources historiques, tout en montrant comment G. Bachelard, loin de scinder de manière étanche les deux approches, n'a pas échappé à une relecture aussi bien de la rationalité sur un mode post-positiviste que de l'imaginaire en termes quasi positiviste. Ce véritable chiasme des sources philosophiques ne donne-t-il pas, dès lors, une clé précieuse pour comprendre l' originalité du bachelardisme, tant dans le cadre de son épistémologie historique que dans celui d'une préfiguration d'une science de l'imaginaire, dont la psychanalyse a parallèlement commencé à rendre raison du pouvoir de symbolisation des images ?